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Comment faire son levain maison

Nous allons ici voir comment obtenir un levain-chef (c’est à dire notre souche de levain). Je vous transmet une méthode et recette pour faire votre levain maison en partant de zéro. Si vous avez déjà votre levain et que vous souhaitez savoir comment l’utiliser correctement et le conserver indéfiniment: c’est ici!

Qu’est ce que le levain?

Avant de se lancer dans cette belle aventure qu’est la réalisation de son propre levain, il est important de bien comprendre de quoi il s’agit!

Une symbiose de micro-organismes

Levain fait maison dans un bocal, en gros plan.

Le levain est un mélange de farine et d’eau dans lequel vit des micro-organismes, plus précisément des levures et des bactéries. Et ces petits microbes sont très nombreux pour que le levain soit bien actif. Le levain est à la fois la culture de ces micro-organismes et leur milieu de vie. Dans le levain, ce sont surtout les levures qui apportent la propriété de faire lever les pâtes. Les bactéries quant à elles sont plutôt à l’origine de la complexité aromatique du pain au levain. Le levain est vivant, comme la levure de boulanger d’ailleurs. Cependant celle-ci n’est composé que d’une espèce de micro-organismes (Saccharomyces cerevisiae). A ne pas confondre avec la levure chimique qui est totalement inerte.

Un ferment utiliser depuis des millénaires pour faire du pain

Le pain a une histoire et est consommé depuis des millénaires. Ce n’est que très récemment dans l’histoire de l’humanité que l’on fait du pain à le levure. Historiquement le pain était levé grâce au levain que nos ancêtres fabriquaient déjà. On me demande parfois « d’où vient le levain? ». Je réponds que c’est un savoir que les humains se transmettent de génération en génération. C’est ce savoir que je vous partage à mon tour et qui va vous permettre de faire naître un levain en quelques jours…

Quelle méthode pour faire son levain maison En partant de zéro?

De nombreuses recettes circulent, notamment sur internet, pour démarrer un levain. Cela peut être déroutant: certains ne jurent que par la farine de seigle. D’autres assurent qu’il faut mettre du jus de pomme, du moult de raison ou encore du miel pour le démarrer etc. Alors, bien sur, tout est possible, mais l’important est de bien comprendre comment se forme un levain, après vous pourrez faire vos choix. Donc, je vous propose ma méthode pour faire son levain soi-même à la maison simplement.

Bien comprendre le processus

Premièrement, oui, on peut tout à fait démarrer un levain avec uniquement de la farine et de l’eau! Si certaines personnes mettent des ingrédients supplémentaires c’est seulement pour faciliter le démarrage du levain.

Un levain, c’est de la farine, de l’eau et BEAUCOUP de micro-organismes (levures et bactéries). Quand on mélange de l’eau et de la farine une première fois, on a , hé oui!, de la farine et de l’eau, et UN PEU (TRÈS PEU) de micro-organismes. Car la farine en contient déjà tout comme l’environnement de votre maison… Donc ce n’est pas encore un levain. Pour en obtenir un, il faut que les micro-organismes que l’on souhaite favoriser se multiplient. Il ne s’agit pas vraiment de respecter une recette. La méthode pour réussir son levain est de mettre en place les conditions qui permettent aux micro-organismes du levain de bien se multiplier. C’est en fait un peu comme de l’élevage!

Les conditions idéales pour faire son levain maison

Comme tout être vivant, les micro-organismes ont besoin de certaines conditions pour s’épanouir. Tout d’abord la chaleur, environ 25°C leur va à merveille! Et il leur faut être nourri régulièrement. Un peu comme nous en fait! De quoi se nourrissent-ils? De sucres, comme ceux contenu dans la farine. A noter que nos levures et bactéries préfèrent les sucres « rapides » et pour cela les enzymes de la farine, une fois en milieu aqueux, décomposent les sucres « lents » en sucres « rapides ». On va donc régulièrement rajouter de la farine, mais aussi de l’eau pour garder la même consistance (c’est à dire le même taux d’hydratation).

Alors: êtes vous prêtEs à « bichonner » vos chers petits microbes?A leur créer un environnement adapté?

Quels ingrédients choisir pour faire son levain maison?

Choix de la Farine

Pour mettre toutes les chances de votre côté, il faut privilégier une farine déjà assez riche en levures et bactéries, et aussi en enzymes. Pour cela les farines complètes sont préférables, et particulièrement celle de seigle qui fermente assez rapidement.

Généralement, on choisit la même céréale pour faire son levain que celle qu’on utilisera pour faire son pain. Mais on peut par exemple faire un levain de seigle pour faire des pains ensuite à la farine de blé, il y aura un apport de seigle grâce au levain qui aura un intérêt gustatif et nutritionnel… Par ailleurs, vous pouvez très bien utiliser du seigle pour faire votre levain au départ et quand il est bien actif, le nourrir à la farine de blé et au bout de quelques rafraichis ce sera devenu un levain de blé. Tout est possible, mais faites simple pour commencer!

Vous l’avez compris, pour faire son propre levain, il ne s’agit pas de réaliser une recette de cuisine. Il faut plutôt comprendre et maîtriser l’art de la fermentation! C’est ce qui fait la particularité de la boulangerie par rapport à la cuisine ou à la pâtisserie.

L’eau

Et oui, l’eau est le deuxième ingrédient du levain, mais aussi du pain, on l’oublie souvent! La question souvent posée est celle du chlore. L’eau du robinet est effectivement chlorée et cela n’est pas idéal. Cependant, ce n’est pas ça qui tuera les micro-organismes et ce ne sera pas la cause d’un échec à démarrer un levain à la maison: parole de boulangère! Je sais que certains utilisent de l’eau en bouteille pour faire leur levain et leur pain, mais je ne conseille vraiment pas cela, d’abord pour des raisons écologiques (impact du pastique des bouteilles d’eau). De plus, si vous buvez l’eau du robinet, vous pouvez bien la mettre dans votre levain et votre pain! Enfin quand vous faites de grosses quantité de pain, cela devient impossible et cela ne m’a jamais empêché de réussir de beaux pains au levain au fournil.

Mais comment faire pour améliorer la qualité de l’eau du robinet? Mêmes stratégies que pour votre eau de boisson. Soit la filtrer, soit plus simplement la laisser reposer pour que le chlore s’évapore (au moins en partie). Il est aussi possible de dynamiser l’eau.

Et en plus?

Rien de plus n’est nécessaire que de la farine et de l’eau si toutes les conditions sont réunies! Mais si vous voulez faciliter le processus au démarrage (ou aller plus vite), vous pouvez amener une source de sucres rapides et surtout de ferments. Comme par exemple un jus de pomme fermenté, du kéfir, du kombucha… Mais dans ce cas, on amène des micro-organismes qui ne sont pas tout à fait typiques de la farine.

Quel matériel pour faire son levain soi-même?

Vous n’aurez besoin de rien de vraiment spécial! Comme récipient, un bocal ou un pot tout simple, assez grand peut suffire. Choisissez le en verre de préférence. Il ne faudra pas fermer le bocal. Il y a des échanges gazeux entre le levain et l’air (et oui, les micro-organismes respirent et fermentent). Soit vous le recouvrez d’une mousseline, soit vous ne fermez pas totalement le couvercle.

Ensuite, vous aurez besoin d’un ustensile pour mélanger: cuillère, voir fourchette. On lit souvent qu’on ne peut pas utiliser de métal. Cela sera problématique si on laissait la cuillère en métal par exemple tout le temps dans le levain, mais juste le temps de mélanger il n’y a pas de problème. Prévoyez aussi un élastique, cela vous permettra de marquer le niveau de départ de votre levain sur le bocal.

Concrètement comment fait-on pour faire son levain maison?

Comme nous l’avons vu, l’idée de base est simple, pour faire son levain maison, il faut créer un environnement favorable aux micro-organismes souhaités pour qu’il se développe rapidement. Et de ce fait prennent le dessus sur d’autres micro-organismes non souhaités, comme des moisissures par exemple.

L’environnement IDÉAL

Tout d’abord, et c’est parfois le plus difficile, il faut avoir un lieu où l’on aura une température CONSTANTE autour de 23°C MINIMUM (26°C ou 27°C c’est l’idéal), même la nuit. Pas facile en hiver et même aux intersaisons, en tout cas en France métropolitaine! L’idéal est de commencer son levain l’été. Mais si vous avez par exemple une salle de bain très bien chauffée en hiver, vous pouvez essayer! Ou un petit coin bien chaud pour une raison ou une autre, comme parfois le dessus de cumulus.

La première étape pour faire son levain maison

Il suffit de faire un premier mélange de farine et d’eau. Je vous conseille de mettre autant d’eau que de farine. On a alors un taux d’hydratation de 100% (si vous ne maitrisez pas ce concept, vous pouvez aller sur mon article sur le taux d’hydratation). Pourquoi 100% d’hydratation? D’abord, on a alors un levain dit liquide, et les micro-organismes aiment les environnements avec beaucoup d’eau. Comme le démarrage d’un levain à partir de zéro est quand même un petit challenge, autant mettre toutes les chances de son côté! Mais bien sur si toutes les conditions sont favorables par ailleurs, cela peut fonctionner avec un levain à consistance plus pâteuse (on dit levain dur).

On gardera le même taux d’hydratation au fur à mesure des différentes étapes de création de notre levain-chef! Cela implique de peser à chaque fois sa farine et son eau. Et tant mieux, avec un levain hydraté à 100%, il faut à chaque fois autant d’eau que de farine: facile! C’est l’autre raison pour laquelle je vous conseille ce taux d’hydratation.

Commençons avec par exemple 50g d’eau et 50g de farine. Faites couler l’eau un peu avant et assurer vous qu’elle soit à température ambiante (23°C minimum, vous vous rappelez?). Mais surtout votre mélange doit être entreposé dans un espace où il fait minimum 23°C, l’idéal étant plutôt entre 25°C et 28°C.

Étapes suivantes

Tous les jours, pendant au moins 4 à 5 jours, il faudra nourrir votre mélange, on dit le rafraîchir, deux fois par jour minimum les premiers jours et plus souvent une fois qu’il commencera à bien fermenter.

Lors du premier rafraîchi, votre mélange fait 100g, vous en garder 50g. Ne gâchez pas: utilisez le reste pour des crêpes par exemple, ou un gâteau… Vous lui rajouter 50g de farine et 50g d’eau. L’eau et la farine que l’on rajoute doivent être à minimum 23°C (si besoin prendre de l’eau un peu plus chaude). Mais surtout il doit être dans une pièce toujours bien chaude!

Vous avez alors un mélange de 150g. Au bout d’une douzaine d’heures minimum: à nouveau vous en gardez 50g et vous répétez le rafraîchi.

Vous faîtes de même le jour 2. Puis le jour 3, vous commencez peut-être à voir des signes de fermentation: des petites bulles. Vous pouvez alors passer à 3 rafraichis par jour. Normalement les signes de fermentations doivent être de plus en plus visibles.

Comment sait-on que le levain est réussi?

Vous avez un levain bien actif quand vous voyez qu’il fermente fort: grosses bulles, odeur, goût. Il faut faire confiance à vos sens! Nous, les humains comme les autres animaux, avons appris, au cours de l’évolution, à reconnaitre des aliments inconsommables, notamment par leur aspect et leur odeur. Si le levain est raté, faites-moi confiance, vous n’aurez pas envie de l’utiliser!

D’abord REGARDEZ votre levain: il doit buller, être un peu mousseux. Puis SENTEZ-LE, et enfin GOÛTEZ-LE! Il doit être un peu acide mais pas être trop. Le goût et l’odeur doivent être vinaigrés très légèrement, mais vous devez aussi sentir un goût lactique un peu de type yaourt. Il faut bien que vous ayez en tête qu’il y a autant de levains que de boulangères et boulangers, donc il faut aussi que le goût de votre levain vous plaise. Vous pouvez aimer un goût plus ou moins acide, par exemple. Ce n’est pas un problème: à vous de créer le levain unique qui vous ressemble!

Cécile goute son levain

BRAVO, vous avez réussi! A partir de ce moment là, stocker le au frigo quand vous ne l’utilisez pas.

Et si ça rate?

Au bout de 5 jours, toujours pas , ou pas assez, de signes de fermentation? Vous pouvez continuer un peu, mais il doit y avoir au moins quelques signes type petites bulles. Par contre si votre mélange a moisi, pas de doute: jetez-le et recommencez!

Comme je vous l’ai dit, faire son levain maison est un challenge, on ne réussi pas toujours la première fois. Mais surtout, peut-être faudra-t-il attendre une période de l’année plus propice. Avec une température ambiante plus chaude, à 26/27°C, on a plus de chance de réussir. Car une chose est sure, si cela a raté, c’est que nous n’avons pas créer un environnement suffisamment favorables pour nos amies bactéries et levures.

Enfin: Comment prendre soin de son levain?

Une fois que vous avez réussi à obtenir un levain-chef, vous n’avez plus besoin de refaire cette étape si vous en prenez soin. Et vous pourrez panifier pendant des années, voire des siècles avec cette souche de levain. On dit que la boulangerie Boudin à San Francisco utilise le même levain depuis 1849, c’est à dire plus de 170 ans! Cela est tout à fait possible, le seul risque de perdre son levain-chef est de ne pas le rafraîchir suffisamment souvent ou d’oublier d’en garder un peu d’une pétrissée à l’autre.

Alors, voilà vous avez réussi à créer votre propre levain-chef, mais comment le conserver dans les meilleures conditions possibles?

Quand vous ne l’utilisez pas, il faut le stocker au réfrigérateur, où les micro-organismes entrent en dormance. Cependant s’il reste trop longtemps au froid, il va y avoir un déperdition et le nombre de levures et de bactéries va chuter (par mortalité tout simplement et absence de multiplication).

Plus le levain-chef sera vieux, plus il atteindra un forme de stabilité, surtout s’il reste dans le même environnement et s’il subit toujours le même process de rafraîchissement. En effet, si des modifications sont apportées au processus de rafraîchissement, typiquement température de l’eau et de la pièce dans laquelle il est entreposé mais aussi fréquence des rafraîchis etc., alors cela peut favoriser certains micro-organismes au détriment d’autres et modifier petit à petit le levain. C’est à dire que en ayant un microbiote différent, on peut avoir une acidité, des arômes et/ou une puissance fermentaire différente.